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Quand le racisme épuise : l’urgence de protéger la santé mentale des étudiants noirs.

  • Photo du rédacteur: MUNTU - MONDO
    MUNTU - MONDO
  • 29 oct.
  • 5 min de lecture

Le poids invisible d'une génération


À Montréal, au cœur d’un système qui se proclame égalitaire, une vérité douloureuse s’impose : la santé mentale des étudiants noirs s’effrite sous le poids de la charge raciale. Cette charge n’est pas une abstraction. Elle se traduit par une vigilance constante qui transforme chaque journée en marathon, par cette peur viscérale d’être mal compris, par le besoin incessant de prouver sa légitimité dans des espaces où l’on reste étranger.


Quand le gouvernement québécois a refusé, en septembre 2025, les 6,64 millions de dollars du programme fédéral contre le racisme systémique, il ne rejetait pas seulement de l’argent. Il niait notre humanité. Il déclarait que les blessures psychiques de milliers de jeunes Noirs québécois n’existent pas.


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Les chiffres qui accusent


Le professeur Jude Mary Cénat révèle que plus de 40 % des étudiants noirs au Canada ont subi des actes racistes dans leur milieu scolaire. La pandémie a amplifié ces impacts : 32 % des Canadiens noirs ont développé des symptômes d’anxiété sévère, contre 24 % chez les Blancs. Plus troublant encore, 35 % des personnes noires vivent une détresse psychologique majeure, mais seulement 38 % utilisent les services de santé mentale, contre 51 % des Blancs.

Ces écarts ne sont pas des accidents. Ils sont le reflet d’un système qui ne voit pas, n’entend pas et ne soigne pas. Chaque chiffre représente une vie, un potentiel, un talent qui pourrait s’éteindre sous le poids de l’indifférence.


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L'usure de l'âme : comprendre le weathering effect


Être étudiant noir à Montréal dépasse l’expérience académique. C’est naviguer dans un labyrinthe où chaque pas est calculé, chaque mot pesé, chaque geste mesuré. Porter sur ses épaules le poids d’une communauté entière. Exceller non pour soi, mais pour prouver. Sourire pour rassurer, se taire pour survivre.


La professeure Arline T. Geronimus, de l’Université du Michigan, a nommé ce lent effritement du vivant le « weathering ». Pour elle, l’exposition cumulative au stress social et racial « use littéralement le cœur, les artères, les systèmes neuro-endocriniens, tous les systèmes du corps, de manière à ce que l’on devienne biologiquement vieux alors que notre corps reste jeune ».


Cette usure favorise l’apparition précoce de maladies telles que l’hypertension, les troubles cardiovasculaires et les complications métaboliques. La littérature recommande aujourd’hui de penser le dépistage et la prévention plus tôt, plutôt que d’attendre des seuils calendaires qui invisibilisent des vies qui s’érodent. Le racisme n’est pas seulement une humiliation psychique ; il ronge la chair et fait payer au corps le prix d’une injustice trop souvent ignorée.



Le trauma racial : une blessure qui traverse les générations


Le professeur Robert T. Carter, de l’Université Columbia, souligne que le traumatisme racial dépasse le stress ponctuel. Il s’agit d’une blessure cumulative, née d’une exposition quotidienne aux préjugés, micro-agressions et violences symboliques. Ce Race-Based Traumatic Stress Injury façonne émotions, perceptions et corps, laissant une empreinte invisible mais réelle qui se transmet silencieusement à travers les générations.


Les jeunes Noirs d’aujourd’hui héritent non seulement de leurs propres cicatrices, mais aussi des blessures de l’esclavage, de la ségrégation, des lynchages et des violences policières. Cette transmission intergénérationnelle crée une hypervigilance permanente et une méfiance profonde envers un monde qui a prouvé, siècle après siècle, sa capacité à nuire.


Une méta-analyse de 134 études confirme que la discrimination raciale provoque un syndrome comparable au stress de guerre, avec augmentation chronique du cortisol, dépression endémique et comportements autodestructeurs. Le racisme transforme ses victimes en vétérans d’une guerre jamais déclarée, jamais reconnue, jamais terminée.


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Le silence qui tue


Quand le gouvernement québécois refuse de reconnaître le racisme systémique, il ne nie pas seulement des mots. Il efface des vies. Il déclare que notre souffrance est imaginaire, que nos morts sont des coïncidences statistiques. Ce silence institutionnel est une violence d’État qui s’ajoute à toutes les autres.


L’étudiant noir vit un paradoxe insoutenable : invisible et hypervisible à la fois. Invisible pour ses besoins, ses douleurs, ses droits. Hypervisible pour ses erreurs, ses différences, ses présumées faiblesses. Il doit exceller pour être considéré moyen, être parfait pour être accepté, être surhumain pour être humain.


Le Québec reste la seule province à refuser les Évaluations de l’incidence de l’origine ethnique et culturelle, outils essentiels pour une justice équitable. Cette exception n’est pas une fierté nationale ; c’est une honte collective.


L'appel à la conscience collective


La santé mentale des étudiants noirs n'est pas un problème noir. C'est un baromètre de notre humanité collective, un test de notre prétention à la justice, un miroir de notre âme sociétale. Chaque étudiant noir qui abandonne ses études par épuisement racial, chaque talent étouffé par le poids de la discrimination, chaque génie brisé par l'indifférence systémique est une perte pour nous tous.


MUNTU, WAZAZI et la Fondation ELIMU, travaillant en partenariat, ont lancé une campagne de sensibilisation et d’information. Plusieurs rencontres ont déjà eu lieu et un forum est prévu pour la mi-janvier 2026, réunissant étudiants, experts, enseignants, institutions et représentants religieux pour co-construire des solutions culturellement pertinentes.


Le financement actuel de Santé Canada offre une opportunité précieuse, mais le manque de ressources pour programmes à long terme, soutien continu et accompagnement durable reste criant. Nous devons travailler ensemble, Africains et Afro-descendants, anglophones et francophones, pour offrir aux jeunes une meilleure santé mentale.


Une piste concrète et mobilisatrice, nous voulons avec d'autres partenaires du milieu instaurer des programmes communautaires intégrés et interculturels, combinant mentorat, soutien psychologique et espaces de dialogue inclusifs, où chaque étudiant et jeunes peuvent se sentir entendu, protégé et valorisé. Chaque investissement dans ces initiatives est un pas vers une société qui reconnaît la dignité et le potentiel de tous ses jeunes.


Comme le souligne Cathia Cariotte, Co-Fondatrice et Présidente de MUNTU :"On ne peut pas demander aux jeunes de ne pas se laisser atteindre, on doit changer les systèmes." Ce changement ne peut plus attendre. Chaque jour de retard est une vie perdue. À Montréal, nous avons un choix, continuer à nier et regarder une génération sombrer, ou ouvrir les yeux et construire une société où chaque étudiant noir peut respirer librement, exister dignement. Le temps de l'action est maintenant. Pas demain. Maintenant. Car chaque minute qui passe, un jeune noir se demande s'il a sa place ici. Et notre silence lui donne une réponse dévastatrice. Nous méritons mieux. Nos enfants méritent mieux. Montréal mérite mieux. Le changement commence aujourd'hui, avec nous, maintenant. C'est notre moment de vérité. Saisissons-le.


Les données citées proviennent des études du Centre interdisciplinaire pour la santé des Noirs (Université d'Ottawa), de la Commission de la santé mentale du Canada, de Statistique Canada, et des recherches internationales sur le trauma racial et le weathering effect. (Geronimus 1992/2006, son livre 2023, et un article de synthèse) , Carter, R. T. – Race-Based Traumatic Stress Injury, Cénat, J. M. – Études sur la discrimination et la santé mentale des étudiants noirs

 


Participer à la campagne de sensibilisation sur la santé mentale des étudiants noirs organisé par:

Fondation ELIMU: www.fondationelimu.org


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